Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 : l’étonnante saisine du juge de l’exécution sur requête pour contester une saisie des rémunérations
Publié le :
22/06/2023
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2023
Dans le cadre de l’examen en première lecture par le Sénat du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, plusieurs amendements à l’article 17, qui porte sur la saisie des rémunérations, ont été déposés le 26 mai 2023.
L’un de ces amendements prévoyait une saisine du juge de l’exécution sur simple requête pour contester la saisie.
L’amendement a été adopté et le texte transmis à l’Assemblée nationale.
La modification de l’article L.212-14 du code des procédures civiles d’exécution est donc soumise à l’Assemblée nationale, dans les termes suivants :
« Le débiteur peut, à tout moment, saisir par requête le juge de l’exécution d’une contestation de la mesure.
Le juge peut d’office contrôler le montant des frais d’exécution dont le recouvrement est poursuivi.
La contestation ne suspend pas la procédure de saisie des rémunérations, sauf lorsqu’elle est formée dans le mois suivant la signification du commandement. »
Préférer ce mode de saisine, non contradictoire, à la voie de l’assignation, n’est pas souhaitable pour plusieurs raisons.
D’une part, lorsque la contestation est formée par le débiteur dans le mois suivant la signification du commandement de payer aux fins de saisie des rémunérations, il est prévu qu’elle suspende, dans ce cas, la saisie des rémunérations.
Pour que cet effet suspensif puisse être effectif, il convient que le créancier, mais surtout le commissaire de justice mandaté par ce dernier, soit immédiatement informé de l’existence de cette contestation.
Cette information ne peut être immédiatement connue que dans le cadre d’une saisine du juge par voie d’assignation délivrée au créancier et dénoncée au commissaire de justice.
En matière de saisie-attribution, il est d’ailleurs prévu à l’article R.211-11 du code des procédures civiles d’exécution, qu’à peine d’irrecevabilité de la contestation, l’assignation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au commissaire de justice qui a procédé à la saisie.
Si le juge de l’exécution est saisi sur requête, l’effet suspensif de la réclamation formée dans le mois suivant la signification du commandement de payer sera donc annihilé.
D’autre part, seconde menace à l’encontre des droits des justiciables, on peut légitimement craindre, que sans l’intervention d’un commissaire de justice pour délivrer l’assignation, le débiteur qui saisirait le juge par voie de requête ne sera pas en mesure de connaître son éventuelle obligation de constituer avocat et pourrait donc voir à l’audience sa contestation jugée irrecevable pour cette raison.
On ne peut que s’interroger sur le choix de ce mode de saisine du juge de l’exécution, qui ne s’entend en réalité que lorsque la situation exige que la décision soit prise sans la présence de l'adversaire, et sans l'informer, en matière de mesures conservatoires notamment, ou lorsque la procédure est sans représentation obligatoire (c’est ainsi le cas en matière d’expulsion pour laquelle la saisine du juge de l’exécution par requête est prévue par l’article R442-2 CPCE, et l’absence de représentation obligatoire par avocat par l’article L121-4 CPCE).
Comme souvent, une volonté trop radicale de simplification, décorrélée des implications pratiques engendrées par la réforme entreprise, menace dangereusement l’équilibre procédural et partant, les droits des justiciables.
Historique
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